Liberté d'être libre.
L'approche naïve de la liberté est de dire : « la liberté, c'est d'avoir le choix ». Voilà l'argument massue des forces de consommation qui cherchent à vous convaincre que sans concurrence, sans une flopée de variantes du même produit, il ne peut y avoir de liberté. Et pourtant, non : on peut avoir le choix entre plusieurs choses et ne pas être libre pour autant. On peut se contenter d'agir comme un automate (entendez par ce mot toute prétendue « IA » ou espèce du même genre) ou comme un animal (comprenez : guidé par nos instincts et rien d'autre), ou encore comme un consommateur bien conditionné par la publicité.
Certains moralistes diront alors : la liberté c'est de souscrire à quelque chose qui nous dépasse, comme la vérité. Mais cela semblera tomber du ciel et sera pris pour un argument d'autorité. Peu m'importe la vérité dira-t-on ! Qui peut s'ériger en juge de ce qui est vrai pour moi ? Et qui décidera de ce qu'est la vérité et si cette vérité m'est bénéfique ou pas ?
Allons au plus simple. Si nous choyons la liberté, la définition peut être celle-ci : La liberté est ce qui me permet d'aller vers la liberté. Autrement dit : plus mes actes me rendent libres, plus j'agis librement. La liberté n'est donc pas une question d'avoir ou pas le choix (on a toujours « des choix » devant soi), mais la liberté devient : la capacité à créer mon espace de liberté. Alors seulement, je pourrais déterminer si me conformer à la vérité me rend plus libre ou pas.
La liberté peut donc être définie comme l'acte qui me permet d'exercer la liberté. Ce n'est pas d'avoir le choix qui me rend libre, c'est de choisir consciemment. Car, plus je choisis, plus je deviens conscient de mes choix (et donc de leurs conséquences), et plus je me rends libre. Si je ne choisis jamais rien et me laisse porter par le cours des événements, je ne suis pas libre. A moins de décider de me laisser porter par le cours des événements.
A moi de décider si je veux agir dans la vie comme une machine qui cherche à calculer possibilités, risques et conséquences, et donc d'avancer systématiquement en prévoyant ce que j'aurais à faire à l'étape d'après, ou de croire en ma liberté fondamentale qui, quel que soit mon choix, me permettra de continuer d'exercer ma liberté même si la situation suivante se révèle imprévisible.
___________________________
Personnellement j'expérimente cela quand je peins. A chaque instant, je peux mentalement chercher à tout prévoir (je vais faire tel geste, puis telle chose, puis telle action), soit refuser de chercher à prédire à l'avance ce que je ferai ensuite. Je ne pense alors plus qu'instant par instant. Je constate alors que dans le premier cas je fais souvent face à beaucoup de frustrations (car le résultat ne correspond pas vraiment à ce que j'avais imaginé), alors que dans le second cas, je ne prévois plus, et si je suis insatisfait du résultat je cherche à mettre à nouveau en œuvre ma liberté pour faire un nouveau pas... imprévisible mais libre et conscient !
Samuel D'Olivier
22 avril 2020.