Du bouquetin libre et du regard des autres.
J'ai peur du regard que les autres pourraient porter sur moi.
J'ai peur que les autres puissent me trouver gênant,
désagréable.
J'ai peur que les autres m'accusent de les retarder, de les empêcher
de vivre.
Je cherche à me faire petit, tout petit, discret, à ce qu'on ne
me voit pas.
Ne pas déranger, ne gêner personne, n'entrer en conflit avec
personne...
Mais lorsque tu réalises cela... (et il faut déjà le
réaliser) ne t'arrête pas là !
Fais le pas vers la seconde question.
Et la peur de passer à côté de ta vie, l'as-tu ?
La peur de ne pas manifester aux autres ton originalité unique et
précieuse, y penses-tu ?
Si tu disparais aux yeux des autres, sais-tu que rien ni personne ne pourra
te remplacer ?
Tu n'es pas, dans le ciel, une étoile qui, un jour y apparaît,
puis, un jour s'efface. Tu es une pièce du puzzle irremplaçable,
qui, si elle n'apparaît pas au monde, y laissera un trou béant,
un creux, dans lequel on ne pourra lire que l'absence, le doute, l'effroi.
Comment dès lors, aller contre ma nature ?
Dois-je m'afficher ? Faire le clown ? Crier sur les toits ?
Dois-je faire semblant, me forcer, me « faire violence » ?
Puis-je, moi-même, briser la coquille qui m'enserre, ou est-ce à
un autre de prendre l'initiative ?
Qu'est-ce qui préside à nos
naissances ?
Comment m'engager, concrètement, à naître à moi-même ? Comment, dans mon quotidien, assumer ma personnalité, la mettre à jour, la révéler aux autres et à moi-même ? Comment devenir ce que je suis ? Comment m'y engager ?
La question est : comment lutter contre ce vide, cette angoisse qui fait que je me fuis constamment ?
Je n'ai pas, à ce jour la réponse. Je n'ai qu'une consolation certaine. Cette consolation consiste en ceci : quand les autres ne t'accueillent pas, il n'y a que deux questions à se poser.
Est-ce que je leur présente le vrai moi-même ? Et : est-ce qu'eux
réagissent en tant qu'eux-mêmes ?
En effet, tu ne peux pas être accepté si tu ne montres qu'un
copié-collé de ce que tout le monde a déjà vu et
entendu, mais, inversement, les moutons grégaires n'accueilleront
jamais le bouquetin libre. Si eux non plus n'attendent de toi que ce qui
les rassurent et les confortent dans leur vision du monde, alors personne
ne peut avancer ; tout le monde reste dans un jeu d'illusions.
La conclusion est toute simple. La réaction des autres, tu ne peux pas y faire grand chose. On perd tant et tant de temps à vouloir changer l'opinion d'autrui. Cela peut arriver... mais bien souvent il s'agit d'une perte d'énergie sans fin. Par contre, je peux travailler sur moi et oser m'affirmer, par des petits actes concrets, au quotidien. Actes qui me permettent non de m'imposer, mais de poser ma personnalité, de l'incarner en toute simplicité.
Sus à la timidité maladive qui écrase ma personnalité !
Vive le bouquetin libre qui se fiche bien de trébucher parfois !
Aussitôt il se relève, s'élève sur les monts clairs et
contemple de haut les rivières sauvages qui se perdent dans la
vallée.
Samuel D'Olivier
19 janvier 2020.